Yoshinobu Ashihara

L’espace architectural peut être créé de deux façons : par addition ou par soustraction. Il en va de même pour la sculpture, qui peut être tantôt un processus d’addition de matériaux ou au contraire une réduction, à partir d’une masse de pierre ou de bois.
Il existe donc une architecture qui ordonne l’espace à partir de l’intérieur, dans un mouvement centrifuge, c’est-à-dire par addition. Il en existe une autre qui met l’accent sur la définition du contour précis et qui construit l’espace architectural par division, de la ligne du contour vers l’intérieur, d’un mouvement centripète, c’est-à-dire par soustraction. La différence de conception entre les deux architectures repose sur le choix entre le tout et les parties ; ou l’on part du tout, ou l’on part d’une des parties. L’oeuvre de l’architecte finlandais Alvar Aalto est un exemple de la première conception, l’unité d’habitation de Le Corbusier à Marseille, un exemple de la seconde.
La grande différence entre ces architectes porte sur la forme et le contenu, ainsi que sur les priorités choisies pour constituer l’espace architectural. L’Unité d’habitation est l’exemple type d’une structure qui privilégie les proportions extérieures et la symétrie, et qui « bourre » le contenu dans l’espace ainsi créé.
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L’architecture, à la différence de la sculpture, est censée accueillir un espace intérieur destiné à l’habitation. Décider de la forme extérieure en premier lieu me semble donc inadapté, et il est préférable de commencer par analyser ce qui est lié à la fonction du logement. La forme extérieure devrait refléter étroitement la nature du contenu.
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La raison pour laquelle j’insiste sur l’oeuvre d’Alvar Aalto est qu’il s’agit d’une architecture constituée par addition et non par soustraction. Parmi ses oeuvres plus tardives, on trouve une église asymétrique et un auditorium dont la forme est irrégulière. On n’y discerne ni module, ni tracé régulateur, ni organisation géométrique comme chez Le Corbusier. Seule reste l’impression que les éléments de contenu nécessaire sont ajoutés l’un après l’autre.(Yoshinobu Ashihara, « L’ordre caché », Hazan, Paris, 1994, pp. 52-58 [trad. Masako Shimizu])