Ricardo Porro

En peinture, l’espace est créé par la relation entre eux des éléments présents dans la toile avec le cadre qui les limite et avec la personne qui les regarde. En sculpture, c’est la relation des volumes entre eux, vus comme une succession par le spectateur qui tourne autour d’elle, qui crée l’espace.
Mais l’architecture est espace, l’espace où l’on se meut, où l’on vit. D’un point de vue formel, l’espace architectural peut se construire de façons très diverses, en privilégiant l’un ou l’autre des éléments qui le définissent, mais ce choix est un reflet des intentions d’une autre nature.
Pour Bruno Zevi l’espace est l’interprète de l’architecture. Il a raison : c’est l’espace qui exprime le contenu poétique que l’architecture  peut et doit avoir.
L’espace architectural peut mettre en avant la relation entre les lignes. Dans une église gothique, les lignes verticales soulignent un espace qui monte, qui élève l’homme vers la divinité. Dans un bel exemple de l’Art Nouveau, la maison de Victor Horta, les lignes qui définissent l’espace se tordent, nous rappellent celles d’une plante, d’une fleur. C’est un espace jardin. Ce monde organique correspond au vitalisme de l’époque.
Josef Hoffmann, dans le palais Stoclet à Bruxelles, décompose le volume en plans, mis en valeur par les éléments qui les encadrent. Ce sont ces plans qui créent l’espace. Un exemple encore plus clair est celui du pavillon de Barcelone de Mies van der Rohe où des plans, toujours dans une relation orthogonale, créent une dynamique dans l’espace.
Dans la villa Savoye, le jeu des volumes détermine l’espace. D’ailleurs son auteur, Le Corbusier, définissait l’architecture comme « le jeu correct, savant et magnifique des volumes sous la lumière ».
Dans le baroque allemand et autrichien, nous trouvons un extraordinaire mélange d’éléments, de trompe-l’œil. Ils se fondent les uns dans les autres. Tout est atmosphère, tout contribue au mystère d’un monde de l’au-delà. (Ricardo Porro, « Espace et poésie », in Les espaces de l’homme, Odile Jacob, 2005, p. 369-370.)