Les sculptures conçues pour un lieu s’élaborent avec les composantes de l’environnement d’un espace donné. […] Ces œuvres constituent invariablement un jugement de valeur sur le contexte social et politique dont elles font partie. Construites sur l’interdépendance entre elles-mêmes et le site, elles interpellent le spectateur de façon critique sur le contenu et l’espace du site. Elles démontrent qu’il est possible de voir la simultanéité des nouvelles relations entre la sculpture et le contexte. Une nouvelle approche comportementale et une nouvelle perception d’un lieu exigent une révision critique de l’expérience qu’on a de l’endroit. Ces sculptures ouvrent un dialogue avec leur environnement. Elles soulignent la comparaison entre deux langages distincts (le leur et celui du site). (Richard Serra, texte d’une conférence à Yale, janvier 1990, in : « Art en théorie, 1900-1990, une anthologie par Charles Harrison et Paul Wood », Hazan, 1997, p. 322 et suiv. ; trad. Annick Baudoin)
Dans la plupart des œuvres antérieures à torsions elliptiques, je travaillais l’espace comme matériau que je manipulais et je me concentrais sur la taille et l’emplacement de l’œuvre en fonction d’un contexte donné. Dans ces œuvres, en revanche, j’ai commencé par le vide, autrement dit, par l’espace, j’ai commencé du dedans vers le dehors, et non du dehors au-dedans, pour pouvoir trouver la peau. (Serra, in mémoire Frédéric Sandri, « Stephen Holl », La Cambre, 2000, p. 107, sans réf.)
De l’œuvre de Richard Serra se dégage toute une sensation palpable de changement autour de soi. Alors que l’on déambule à côté de ces masses, il se passe quelque chose de particulier qui a rapport avec la masse, la densité et le vide. On sent qu’il y a déviation de certaines règles physiques – comme la lumière est déviée par la gravitation. (Philippe Starck, « impressions d’Ailleurs » avec Gilles Vanderpooten, Editions de l’Aube, Paris, 2012, pp. 115-116)
Ne jamais travailler à partir du dessin, mais toujours avec le modèle; commencer non pas par la forme, mais par le vide, en faisant tourner l’espace. C’est comme prendre une roue, et la faire rouler, mais pas droit C’est quelque chose que l’ordinateur ne sait pas faire. Vous voyez, l’espace se ferme, s’ouvre, se ferme. (in: Beaux-Arts magazine n° 254, août 2005, p. 46.)
Regardez, l’extérieur s’incline comme une sphère tandis que l’intérieur est concave. Les murs tendent à respirer quand tu marches dedans plus ou moins vite en fonction de ton propre rythme. Cette installation s’inspire de l’idée de l’existence de temporalités multiples ou superposées. Le temps émotionnel ou esthétique de l’expérience sculpturale est tout à fait différent du temps réel. (Idem, p. 50)
L’architecture est le seul langage plastique qui offre la possibilité de marcher, de regarder, de changer d’espace. (Serra, in: Jean-Luc Chalumeau, « Les 200 plus belles sculptures du monde », Chêne, Paris, 20089, p. 402.)
Alors que la physicalité de l’espace a toujours été l’une des grandes préoccupations de cet artiste, dans ces œuvres, c’est l’espace qui devient le matériau. « Dans la plupart des œuvres antérieures à Torsions elliptiques (Torqued Ellipses, 1996–), je créais l’espace entre le matériau que je manipulais et je me concentrais sur la dimension de l’œuvre et sa place par rapport à un contexte donné. Dans ces œuvres [exposées au Guggenheim de Bilbao] en revanche, j’ai commencé par le vide, autrement dit par l’espace, je suis allé de l’intérieur vers l’extérieur, et non l’inverse, pour pouvoir trouver la peau. (Lynne Cooke et Michael Govan. « Interview with Richard Serra », dans Richard Serra: Torqued Elipses, Dia Center for the Arts, New York, 1997, page 13.) in: http://www.guggenheim-bilbao.es/fr/guia-educadores/materiaux/
Je considère l’espace comme un matériau. L’articulation de l’espace a pris le dessus sur toutes les autres préoccupations. J’essaye d’utiliser la forme sculpturale pour rendre l’espace distinct. (http://www.azquotes.com/author/28282-Richard_Serra)
Ce en quoi je suis intéressé, c’est de révéler la structure, le contenu et le caractère d’un espace et d’un lieu en définissant une structure physique au travers d’éléments que j’emploie. J’ai utilisé l’acier pour faire des espaces ouverts ou fermés, intérieurs et extérieurs.
[…] La manière dont mon travail diffère [des autres sculpteurs] se trouve dans le sens que je n’opte pas pour que son contenu soit compris comme visuel. Cela a plus à voir avec un champ de force généré, ainsi l’espace est discerné plus physiquement que visuellement. (Richard Serra interviewé par Liza Bear, publié dans Art in America, May-June 1976, repris dans: « Richard Serra Writings Interviews », The University of Chicago Press, Chicago, 1994, pp. 36, 40.) [trad. Marc Crunelle]
Je ne veux pas déposer des objets sculpturaux dans un espace mais faire en sorte que l’espace tout entier devienne une sculpture. Quand le lieu est vide, on marche de long en large. J’ai pensé : pourquoi ne pas faire œuvre de cette déambulation? Pure spéculation! Mais c’est exactement ce que je veux faire : considérer l’ensemble comme un espace en mouvement. Au Grand Palais, je dresse cinq plaques d’acier identiques, qui font 17 mètres de haut et 4 mètres de large, et 13 centimètres d’épaisseur. Chacune pèse 73 tonnes. Mais il s’agit d’une seule œuvre, composée de cinq éléments.
Les visiteurs créent eux-mêmes une chorégraphie… Quand vous suivez l’axe central, vous faites face à une suite de plans; les plaques sont placées verticalement, à intervalles réguliers. Elles sont légèrement inclinées à la base, ce qui signifie que le sommet est décalé de l’axe central. Or, tout en étant verticales, elles donnent l’impression à celui qui se déplace de pencher vers lui ou en arrière, sur 114 mètres de long. Je veux donner à cet espace une nouvelle tension.
[…] Je m’intéresse au mouvement dans le paysage; comment un lieu se transforme quand nous nous déplaçons, comment nous le recréons à chaque pas, selon chaque perspective.
[…] J’essaie de regarder la réalité d’un espace et j’utilise le langage de la sculpture pour en proposer une lecture nouvelle.
[…] En visitant, à Rome, Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines, l’église de Borromini, avec sa nef ovale qui entre en torsion vers le haut, j’ai été inspiré et stimulé. En tordant un volume de section elliptique sans changer ses dimensions, nous avons créé, à partir de 1997, des formes jamais vues.
[…] Mon travail ne se réduit pas à une Gestalt, à une forme. Il vise une expérience directe de la réalité, dans l’espace physique, dans le moment temporel et le mouvement de votre déplacement : espace et temps. C’est ça qui touche les gens dans mon travail, je pense.(extraits de l’entretien de Richard serra avec Michèle Champenois, in: « Richard Serra, les promenades du dompteur d’acier », Le Monde Magazine, 18 avril 2008)