La Biennale d’architecture de Venise 2018 avait pour thème: « Free space ».
Rafael Moneo y présentait la mairie de Murcia accompagné de ce cartel:
La perception de l’espace libre (« free space » ) apparaît au moment où la condition d’un bâtiment en tant qu’artefact se met en recul, et que l’espace est senti comme une expression sensorielle de la liberté, nous permettant d’oublier pour un instant le monde bâti et la discipline de l’architecture. Paradoxalement, la meilleure architecture est celle qui nous permet d’ignorer notre environnement construit. L’architecture n’est plus le spectacle, mais est imprégnée dans l’espace libre. Ainsi, l’espace libre ne devrait pas être confondu avec l’idée d’une fabrication d’espaces permettant de manifester la liberté de création de l’architecte, où sa fantaisie est produite sans contrainte. La liberté pour un architecte résulte souvent par l’absence de liberté pour les occupants, capturés dans son architecture. L’espace libre apparaît quand l’architecture s’estompe malgré sa présence physique. Il y a des moments où nous sommes capables de ressentir une sorte de plénitude et une liberté personnelle, sans entrave par l’architecture. C’est cette expérience pure où la construction devient une seconde nature, qui nous facilite sans s’imposer.
Nous ne devrions pas associer la notion d’espace libre à l’ouverture qui se passe dans l’espace public, là où notre vie prend place en communauté avec les autres. L’espace public implique l’acceptation de la contrainte du vivre ensemble. Mais les espaces publics ne génèrent pas toujours le sentiment de liberté qui caractérise un espace libre.
L’extension de la mairie de Murcia sert d’illustration à ces idées. Le bâtiment soulève des questions bien connues, en rapport avec des notions d’histoire, langue et contexte, pour n’en citer que quelques-unes. C’est assurément un travail d’architecture, un artéfact construit intégré dans la ville. Mais il se dissout dans l’espace de la place avec l’idée de générer une sorte de liberté dans l’espace qui me semble à moi représenter clairement cette notion d’espace libre que je mentionnais plus haut. L’espace libre est la plus grande réussite qu’un travail d’architecture puisse espérer et peut-être un des rares moments que cela m’est arrivé (d’avoir) dans ma carrière. (trad. Marc Crunelle)