Le concept de l’espace dans la théorie de l’architecture.
Beaucoup d’attention a été donnée au problème de l’espace en architecture. Nous n’avons pas besoin ici de discuter des implications spatiales des premières théories; nous devons plutôt nous concentrer sur l’emploi actuel de ce terme. Récemment, et de manière terre à terre, « l’espace » est devenu un terme accrocheur, qui chez beaucoup de critiques semble expliquer sans plus amples qualifications, ce qu’est l’architecture. Ainsi Bruno Zevi, définit l’architecture comme « art de l’espace », mais ne définit pas réellement la nature de l’espace dont il parle. Evidemment son concept de l’espace est naïvement réaliste, comme ce l’est pour la plupart des écrivains traitant du sujet, pour lesquels l’espace est un « matériau » s’étendant uniformément et qui peut être « modelé » de diverses façons. Néanmoins, d’importantes investigations ont été faite sur cette base, je me réfère aux travaux de Paul Frankl (Die Entwicklungsphasen der neueren en Baukunst, 1914), A. E. Brinckmann (Baukunst, 1956) et Paul Zucker (Town and square, 1959). Après tout, la question de comment articuler l’espace euclidien est un aspect du problème plus vaste de l’espace architectural.
Sigfried Giedion est probablement l’écrivain qui a le plus contribué à l’actualisation du concept de l’espace. Dans son livre « Espace, temps et architecture », il plaça le problème de l’espace au centre du développement de l’architecture moderne, et dans ses travaux ultérieurs, il présenta l’histoire de l’architecture comme une suite de « compositions spatiales ». En général, il distingue trois conceptions de base. « La première conception de l’espace architectural concernait le pouvoir émanant des volumes et de leur interaction. C’est ce qui relie les développements égyptiens et grecs. Les deux produisent l’extériorité par le volume. Le dôme du Panthéon d’Adrien au début du 2ème siècle se signale par une cassure complète produisant une 2ème conception de l’espace. A partir de là, le concept de l’espace architectural devint impossible à distinguer du concept d’un espace intérieur creux. » La troisième conception de l’espace, laquelle reste dans son développement, est principalement concernée par le problème de l’interaction entre l’espace intérieur et extérieur. Giedion laisse derrière ainsi l’idée d’une combinaison mécaniciste d’unités dans un espace euclidien et tente de décrire les différences qualitatives lesquelles sont reliées au développement de l’image que l’homme a du monde. Aussi il dit: « Le processus par lequel une image spatiale peut être transposée dans la sphère émotionnelle s’exprime dans le concept spatial. Ceci produit de l’information sur la relation entre l’homme et son environnement. C’est l’expression spirituelle de la réalité à la quelle il est confronté. Le monde qui se présente à lui est transformé par ceci. Ca le force à projeter graphiquement sa propre position s’il veut s’y relationner. »
Ici Giedion approche le concept d’espace existentiel, mais n’en fait pas une idée philosophique précise. Son approche reste trop naïvement réaliste, même s’il fait référence aux processus de la perception visuelle.
La plupart des études sur l’espace architectural souffrent d’un manque de définition conceptuelle. En général, elles peuvent être divisées en deux classes: celles basées sur l’espace euclidien et l’étude de sa « grammaire » et celles qui tente de développer une théorie de l’espace basée sur la psychologie de la perception.
[Pour la suite de ses développements, je renvoie le lecteur directement à son ouvrage] « Existence, Space & Architecture », Studio Vista London, 1971, duquel j’ai tiré et traduit ces lignes page 12.
Néanmoins, quelques citations données méritent d’être reprises ici (pages 14 et suiv.):
Pour ceux qui soutiennent que l’espace architectural est principalement du vécu perceptif, il cite Joedicke: « Nous pouvons parler d’espace architectural comme d’un espace expérimentable » (experiential space), et « l’espace architectural est lié à l’homme et à sa perception » , « L’espace est la somme d’une succession de perceptions de places« . (J. Joedicke, « Vorbemerkungen zu einer Theorie des architektonischen Raumes, zugleich Versuch einer Standortbestimmung der Architektur », Bauwen + Whonen, September 1968.)
Tout comme M. Leonard qui écrit: « C‘est l’homme qui crée et expérimente la sensation d’espace » et « le produit final dans le processus perceptif est une simple sensation, un « feeling » à propos de cet espace particulier ». (M. Leonard, « Humanizing Space », Progressive Architecture, April 1969.)
Pour Norberg-Schulz, il est clair que la recherche future de l’espace architectural dépend d’une meilleure compréhension de l’espace existentiel. (p. 15). Il le définit comme un système relativement stable d’un schéma perceptuel ou « image » de l’environnement. (p. 17)
Finalement, il donne son point de vue:
la plupart des études sur l’espace architectural ont jusqu’à présent été entravées par l’imprécision de définitions conceptuelles et par l’omission d’un élément clé, « l’espace existentiel ». Dans « Intentions in Architecture » (MIT Press, Cambridge, Mass., 1965), je maintiens que le concept de l’espace est d’une importance limitée dans la théorie architecturale et conclus « qu’il n’y a aucune raison de laisser le mot « espace » désigner autre chose que la tridimentionnalité de n’importe quel bâtiment. » (p. 16)