… Quand on entre dans la cathédrale de Cologne, sitôt là, on est au fond de l’océan, et, seulement au-dessus, bien au-dessus est la porte de la vie…: “De profundis”, on entre, aussitôt on est perdu. On n’est plus qu’une souris. Humilié, “prier gothique”.
La cathédrale gothique est construite de telle façon que celui qui y entre est atterré de faiblesse.
Et on y prie à genoux, non à terre, mais sur le bord aigu d’une chaise, les centres de magie naturelle dispersés. Position malheureuse et inharmonieuse où on ne peut vraiment soupirer, et essayer de s’arracher à sa misère: “Kyrie Eleison”, “Kyrie Eleison”, “Seigneur ayez pitié!”
Les religions hindoues au contraire ne dégagent pas la faiblesse de l’homme, mais sa force. La prière et la méditation sont l’exercice des forces spirituelles. A côté de Kali se trouve le tableau démonstratif des attitudes de prière. Celui qui prie bien fait tomber des pierres, parfume les eaux. Il force Dieu. Une prière est un rapt. Il faut une bonne tactique.
L’intérieur des temples (même les plus grands extérieurement) est petit, petit, pour qu’on y sente sa force. On fera plutôt vingt niches, qu’un grand autel. Il faut que l’Hindou sente sa force.
Alors il dit AUM. Sérénité dans la puissance. Magie au centre de toute magies. Il faut le leur entendre chanter dans les hymnes védiques, les Upanishads ou le Tantra de la grande libération.
Henri MICHAUX, extrait d’ “Un barbare en Asie”, Gallimard, coll. L’imaginaire, Paris, 1967, pp. 31-32. (édition originale de 1933, ce texte a été écrit après le voyage qu’il fit aux Indes en 1931.)
Lorsque l’on entre dans une cathédrale, l’on sent l’espace et la lumière créés par des architectes et des artisans et cela donne un sentiment merveilleux mêlé le plus souvent d’admiration et d’effroi, plus puissant que tout ce que peut produire la rhétorique des ministres du culte. (James Turrell, interview dans Art Press n°157, avril 1991, p.20.)