Et puis on a tout exploré, les matériaux, les formes, les surfaces gauches, des trucs ronds, des trucs tordus, des pointus. Finalement, nous ne tirons plus d’émotion de cette richesse formelle, nous n’y croyons plus. Le paramètre formel et spatial est en perte de vitesse. Demain, sera juste, émouvant, le minimum d’espace par rapport au maximum d’utilisation, ces parois qui pourront faire des tas de choses. Nous voulons un espace d’un nouveau type, qui soit à la fois rien et tout, qui soit le moins possible dans son expression, et le plus dans ses potentialités, ses mutations; un espace qui va se prêter à ce que l’on voudra, avec peu de moyens. Je ne fais pas l’apologie d’une architecture techniciste, hyper-sophistiquée. Mais nous ne voulons plus être ennuyés par les contingences. Plus on pourra éliminer, mieux on se portera car on se consacrera à autre chose, à l’expression d’autre chose. Cela va dans le sens irrésistible de l’évolution, même si certains seront toujours attachés à des choses disparues.
(Jean Nouvel, in: « le futur sera fait de modifications », entretien paru sous le titre « Il fututo sarà fatto di cambiamento, dans Domus, n° 800, Milan, janvier 1998, repris dans François Chaslin, « Jean Nouvel, critiques », infolio, Paris, 2008, pp. 91-92.)
Je défend surtout la thèse selon laquelle, dans la modernité d’aujourd’hui, la question primordiale est celle de l’essence, qui est posée dans le rapport lumière-matière. La plupart des paramètres vont aujourd’hui dans le sens de donner la primeur à cette essence plutôt qu’à la notion géométrique de l’espace. Beaucoup de paramètres vont dans le sens de la disparition, de la conscience de la géométrie de l’espace au bénéfice d’une conscience de la nature profonde de l’espace dans lequel on est. C’est ce que j’appelle essence de l’architecture, au sens du sentiment d’une autre matérialité. Je travaille sur l’effacement de ces notions géométriques et sur la perception en profondeur, par des jeux sur la profondeur de champ, par des sortes de brouillages effectivement accélérés grâce auxquels on ne sent pas très bien où commence et où finit l’espace dans lequel on se trouve.
(Jean Nouvel, in: « la critique française m’est essentiellement hostile », une conversation radiophonique, France Culture, Métropolitains, n°120, 6 mars 2002, repris dans François Chaslin, « Jean Nouvel, critiques », infolio, Paris, 2008, p. 138.)
L’espace, l’espace: les architectes parlent toujours à propos de l’espace! Mais créer un espace n’est pas automatiquement faire de l’architecture. Avec le même espace, vous pouvez faire un chef-d’oeuvre ou provoquer un désastre. (http://www.ilikearchitecture.net/2014/07/quote-124-jean-nouvel/)