White cube

« Espace sans ombre, blanc, propre, artificiel, dédié à la technologie de l’esthétique« , tel a été durant des décennies l’archétype d’un espace destiné à la présentation des oeuvres d’art. Ainsi était le modèle prôné par le critique et artiste  Brian O’Doherty dans une série d’articles parus dans la revue Artforum en 1976.
L’art contemporain devait selon lui (auteur de la formule « White cube ») se trouver une nouvelle forme d’espace pour qu’il soit apprécié pleinement. Les murs « tapissés de tableaux« , les parois colorées, les lambris moulurés, l’architecture trop présente devaient laisser place à un espace épuré où rien ne devait perturber la rencontre entre le spectateur et l’oeuvre.
Mais plus que cela, le White cube devait être conçu comme un espace libre de tout contexte, où le temps et l’espace social devait être exclus de cette expérience en rapport avec le travail artistique. Ce n’est que par cette neutralité apparente située en dehors de la vie courante et politique que les oeuvres dans le cube blanc apparaîtront dans leur pleine autonomie.
Toujours selon O’Doherty, « la galerie est construite selon des lois aussi rigoureuses que celles qui présidaient à l’édification des églises au Moyen Age. Le monde extérieur ne doit pas y pénétrer, aussi les fenêtres sont-elles généralement condamnées. Les murs sont peints en blanc. Le plafond se fait source de lumière (…) l’art est libre de vivre sa vie. Peut-être un bureau discret pour seul élément de mobilier. Dans ce contexte, un cendrier à pied devient un objet sacré, tout comme un manche d’incendie dans un musée d’art moderne n’évoque pas tant un manche d’incendie qu’une énigme esthétique.  »  (http://www.museumofmuseum.com/)

« Pour lui, le white cube n’est pas un espace neutre, mais une construction historique. Un lieu qui efface le contexte extérieur, dont le contexte devient le contenu, dont le contenu — l’art — est sacralisé. En son sein, le white cube parvient à extraire l’historicité, il abstrait le visiteur de toutes manifestations extérieures et pose l’art comme objet sacré. Ainsi, l’objet devient « Art » parce qu’il est admis dans sa structure. Le white cube crée une claire dichotomie entre ce qu’il accepte d’intégrer en son sein — et d’adouber en tant qu’art — et ce qui reste à sa porte. Selon Brian O’Doherty, la galerie d’art est ainsi devenue un véritable « protagoniste » du monde de l’art. »
(http://www.artistikrezo.com/2014042416117/actualites/art/quel-avenir-pour-le-white-cube.html)

Ce modèle, repris dans les musées et les galeries d’art du monde entier sera LE modèle par excellence d’un espace destiné à présenter l’art durant des décennies et continue à être mis en oeuvre dans de nombreux lieux comme étant la meilleure solution pour mettre en valeur les oeuvres. « Sa pertinence provient de son essence même, issue du long processus d’autodéfinition de l’art moderne. La galerie d’art comme cube blanc est un espace indétrônable afin de présenter l’art. » (ibidem)

« La dictature du White cube« , comme le titrait un magasine fin des années 80 prendra fin pour laisser choix à des espaces plus  « présents »: anciennes usines aux murs patinés, aux sols vieillis, aux dispositions variées, aux éclairages différents, pour y disposer les oeuvres dans un contexte non neutre. Les espaces aseptisés, hors du temps ne rencontraient plus l’assentiment des artistes comme des curateurs.
Il faut préciser qu’une autre scénographie spatiale pour les musées s’est trouvée également choisie: celle de plonger les espaces dans le noir et d’éclairer chaque oeuvre individuellement. Les oeuvres exposées se détachent d’autant plus dans la pénombre, le parfait dosage de l’éclairage et de son contrôle, trouve de nombreux  partisans pour cette solution.

Les black boxes, ne sont pas l’opposé du white cube mais bien résultant d’une même attitude prônée mais cette fois pour l’aménagement des salles de spectacle et de cinémas. Murs, sols, plafonds, sièges, devaient être le moins présents possible (le plus souvent noir) pour ne pas « influencer » le spectacle cinématographique ou théâtral. Parallèlement à l’attitude choisie pour les espaces muséaux, les anciennes salles qui possédaient une décoration très présente, dans des thèmes et des styles aussi différents que babyloniens, égyptiens, néo renaissance espagnole, néo-classique, etc… ont fait place à la nudité noire. L’apparat tant aimé ne plaisait plus, la salle n’existait plus, seul existait l’écran ou la scène éclairée et meublée.